mardi 18 août 2015
2. - Sur la route de Xu Cun
Et
oui, j'avais envisagé une galère avec le matos mais pas
celle-ci... J'ai donc dans mes bagages à main vidéo
projecteur et fichiers pour pouvoir, sans pochoirs, travailler en
grand sur les murs ... bien vu l'aveugle !
De gauche à droite : Stinkfish, Tinho, Qi Yan, Mario Belèm et ma pomme |
Ça
me permet d'aborder plus décontracté le voyage dans un
bus flambant neuf sur un ruban de bitume du même acabit. Tout
au long de la route nous verrons la mise en place d'une vraie
politique de reforestation. La première partie du voyage se
passe plutôt bien avec une durée totale de parcours
estimée à 6 heures... En route nous passons sous un
viaduc qui relie... la Grande Muraille, vision fugace mais intense
d'un long cordon sinuant le long des crêtes. Une halte me
permet de rentrer en contact avec mon premier chien chinois, une
espèce de chien loup, un tas de poils pas très net qui
me lèche illico les gambilles, sympathique. Le voyage se passe
pour le mieux lorsque patatras, nous voici bloqués en plein
élan par une foultitude de camions (j'aime bien celui avec Mao
à la portière) sur des kilomètres, enfin pas
tant que ça de kilomètres mais alors question moyenne,
ça déguste !
L'explication en revient à une voie
neutralisée par des travaux et deux patates qui se sont frotté
les ailes, l'un ne voulant pas laisser passer l'autre et lycée
de Versailles... Ces handicapés du bulbe restent scotchés
sur la file de gauche comme des poules regardant un rasoir,
affligeant spectacle ! Ce retard génère un nouvel arrêt
pipi, perso j'aime bien leurs kitschissimes urinoirs collectifs.
Nous
avalons les cent derniers kilomètres jusqu'à une
étrangeté infrastructuelle : la mise en place d'une
chicane qui étroitise la deux voies pour ne laisser passer que
les petits gabarits (j'obtiens une vague réponse quant à
la sauvegarde de singes montagnards protégés...). Qu'à
cela ne tienne, les policiers présents conseillent au
chauffeur de prendre l'autoroute dans un contre-sens non matérialisé
après une petite marche arrière et hop, le tour est
joué, il suffit de klaxonner dans les virages sans visibilité
! Il est 17 h 30 et une pancarte indique Xu Cun (se prononce tsou
tchoun) nous sommes enfin arrivés et alors là...
3. - Arrivée à Xu Cun
Nous
arrivons à destination avec beaucoup de retard mais une foule
impatiente nous attend. Je suis à côté du
chauffeur et c'est très "émotionnant" de voir
tous ces gens nous faire signe de la main le sourire au beau fixe. La
troisième édition de ces rencontres artistiques
internationales est évidemment un événement dans
ce petit village de Xucun. La rue principale est bordée des
deux côtés de familles et ce n'est rien en comparaison
de ce qui nous attend sur la place.
Je me retrouve avec Marc, un vieux gauchiste du mouvement du 22 mars ayant fait en stop la route de Katmandou en 68 et Régis un photographe plus jeune très sympathique. Tous deux vivent en Chine depuis plusieurs années et c'est très intéressant d'entendre parler de leur vécu sur place. La narration est très positive et mes impressions en ce début d'expérience ici ne font que la confirmer.
Ce peuple est dès le premier contact accueillant,
souriant, démonstratif, rigolard et épicurien. Ils
aiment lever le coude et sont obnubilés par la bouffe. Ils ont
le contact physique aisé et ne semblent pas coincés
contrairement aux idées reçues, bref c'est une vraie
chance d'être ici et de vivre ces moments pleins d'émotion.
C'est d'ailleurs un sentiment partagé par l'ensemble des
artistes étrangers participants. Après un dîner
délicieux nous regagnons nos pénates pour un repos bien
mérité. Demain c'est dimanche et l'ouverture officielle
du festival...
Tout le village est de sortie,
nous sommes l'attraction, de nombreux journalistes prennent photos et
vidéos, les enfants en rang d'oignons portent des pancartes de
bienvenue, d'autres, nos hôtes, celles avec nos noms. Tout cela
est bon enfant et pas oppressant, voire plutôt décontracté.
Après un bon moment de salutations diverses et de formalités
administratives, nous rejoignons nos hôtes. Nous sommes logés
chez l'habitant, regroupés par nationalité.
Je me retrouve avec Marc, un vieux gauchiste du mouvement du 22 mars ayant fait en stop la route de Katmandou en 68 et Régis un photographe plus jeune très sympathique. Tous deux vivent en Chine depuis plusieurs années et c'est très intéressant d'entendre parler de leur vécu sur place. La narration est très positive et mes impressions en ce début d'expérience ici ne font que la confirmer.
Régis à gauche et Marc |
4. - Dimanche à Xu Cun
Avec Lin et Qi Yan, le curateur, expliquant mon sketch |
Après le déjeuner et une petite sieste réparatrice c'est la cérémonie d'ouverture avec nombreux discours traduits en anglais, enfin presque tous... puis le pot d'accueil avant le dîner. C'est tout un rituel de trinquer dans le coin et y sont pas fainéants pour lever le coude, et à la tienne et à la mienne, et je fais le tour des tables... sont plutôt arrondis quand la soirée de gala commence !
Lundi.
- C'est pas encore aujourd'hui qu'on va se mettre à bosser, il
y a une visite prévue de villages aux alentours. C'est fort
joli sauf qu'il se met à pleuvoir, alors le dernier village
c'est plutôt gadoue land... N'empêche, c'est vraiment
sympa d'être ici dans la montagne.
Dans la vie l'important c'est de sourire... |
Au retour et après le
lunch (on rigole pas avec la bouffe...) c'est l'attribution du
matériel. Il pleut tout l'après-midi mais j'obtiens du
papier et du scotch, yapuka ! Une fois tout assemblé, avec
l'aide la dame du restau/bar me donnant spontanément un coup
de main, je me mets à la projection et au dessin d'un panda de
forte taille et de feux d'artifices, ce sera sur ce thème que
je traiterai le mur.
Mardi
4. - Bon vous aurez compris : petit-déjeuner, déjeuner,
dîner marquent le rythme de la journée, nous avons
d'ailleurs des tickets pour tout le séjour, et classés
dans l'ordre svp ! Bref le matin atelier découpe avec
"Toyota", un gars du staff plutôt dégourdi.
C'est aujourd'hui que l'on doit m'installer un échafaudage, je
vais jeter un œil comme conseillé et je fais bien. Tout de
traviole le bazar avec les pieds enfoncés dans la glaise qui
descendent à chaque montée et quand je parle de montée
on arrive péniblement à 1m 50 avec un mur qui en fait
au bas mot cinq ou six ! Je dis gentiment aux gars que ça va
pas aller, ils n'ont pas l'air surpris, ça coûte rien
d'essayer...
M'improvisant chef de chantier je mets aussi la main à la pâte pour caler et rehausser, tout se passe bien, les gars apprécient que je sois sur le coup et c'est très sympa, j'aime bien mes frères les prolos ! Mon absence qui devait durer 10 mn s'est transformée en 1h 30, l'après-midi est bien avancé et je me réjouis que tout soit en place pour demain... Je croise Lin, l'assistante qui m'annonce qu'il faut démonter l'échaudage pour la nuit à cause des voleurs ! Au début je crois qu'elle plaisante, que nenni, c'est du sérieux ! Bon, vous connaissez tous mon tempérament serein et fataliste... bref Lin va voir le proprio du matos et l'affaire est réglée, sacré coup de chaud tout de même ! Pour fêter cela nous allons mettre en place le pochoir du panda, youpi !
M'improvisant chef de chantier je mets aussi la main à la pâte pour caler et rehausser, tout se passe bien, les gars apprécient que je sois sur le coup et c'est très sympa, j'aime bien mes frères les prolos ! Mon absence qui devait durer 10 mn s'est transformée en 1h 30, l'après-midi est bien avancé et je me réjouis que tout soit en place pour demain... Je croise Lin, l'assistante qui m'annonce qu'il faut démonter l'échaudage pour la nuit à cause des voleurs ! Au début je crois qu'elle plaisante, que nenni, c'est du sérieux ! Bon, vous connaissez tous mon tempérament serein et fataliste... bref Lin va voir le proprio du matos et l'affaire est réglée, sacré coup de chaud tout de même ! Pour fêter cela nous allons mettre en place le pochoir du panda, youpi !
5. - Fête au village
Mercredi 5. - Après avoir installé les grandes lignes du panda, aujourd'hui c'est la mise en peinture. Dans l'après-midi une excursion/rando est au programme, la météo prévoyant du mauvais temps pour les prochains jours notre forfait est accepté pour faire avancer les chantiers en extérieur. J'ai un nouvel assistant, Ray, qui fait partie des volontaires. Un brin en surpoids et ayant le vertige, le pauvre, pour lui ce sera une journée mémorable ! Aussi fébrile que motivé, il décline mes propositions de pause : "It's my job" est son leitmotiv, alors je ruse en lui proposant régulièrement des tâches au sol. Nous mettons en place les feux d'artifice, ça nous prend du temps et son aide est précieuse.
Livraison de dragon... |
En fin d'après-midi une certaine effervescence est palpable dans le village. Une soirée folklorique est offerte par ses habitants qui semblent tout émoustillés. A la nuit tombée les tambours grondent et les pétards explosent de partout. Apparaît un long dragon animé par de jeunes hommes vêtus de jaune. Après un tour sur la place, accompagné de musiciens il serpente dans les ruelles du vieux Xucun. Les ombres portées sur les façades séculaires, la fumée des explosifs et la lumière rougeoyante des lanternes apportent une touche féérique et mystérieuse ! Deux énormes têtes de dragons portés par des danseurs ferment la marche à grand renfort d'orgues à bouche, cymbales et tambours.
Et toujours
cette pétarade étourdissante, cette foule joyeuse.
C'est tout bonnement magique de dépaysement. Je me retrouve
littéralement foudroyé de bonheur et d'émotion,
irradié de la tête aux pieds d'une énergie quasi
extatique qui circule dans tout mon corps ! J'en ai les larmes aux
yeux, quelle chance d'être ici et de pouvoir vivre des moments
pareils.
Sûr qu'après ça le spectacle bien que
sympathique semble un peu plus fade, mais les numéros
s'enchaînent gaiement et j'ai le plaisir de retrouver sur la
scène quelques têtes du voisinage.6. - Conception grand mur
Jeudi
6. - Je fixe le panda en bombant une ligne séparant la zone
peinte en haut du mur de celle dégradée en bas, ça
renforce l'effet montagne recherché. Quelques feux d'artifice
supplémentaires seront les bienvenus, j'y reviendrai... Les
autres artistes avancent bien sur leurs murs respectifs. Après
déjeuner, nous organisons une réunion de travail, pour la thématique nous apprenons par Wenna que c'est bientôt
la fête de la Lune avec toute une mythologie autour de dieux,
de dix lunes, d'un moine archer, d'amours impossibles, de Voie
lactée, de ponts d'oiseaux et d'un lapin !
Rien que ça,
et puis comme si c'était pas assez bah il y aura des
panthères... Je les mets en place derechef, une grande au sol,
l'autre, plus petite dans les nuages. J'ai commencé à
distribuer les cadeaux ramenés de France. Dans une grande
loyauté Lin s'inquiète si le curateur a eu les livres
que je lui offre, je la rassure. De même Chi, une autre
assistante qui assure les traductions en anglais, me demande
immédiatement si Lin a reçu des cadeaux elle aussi...
ça dénote un bon état d'esprit et pas mal
d'altruisme et c'est l'ambiance générale de cette
résidence.
Tinho... De la réflexion naît l'action ! |
7. - Funérailles
Vendredi 7. - Après une bonne nuit peuplée de rêves agréables je vais mettre la couche d'accroche aux panthères. Comme dit si bien Régis avec l'humour qui le caractérise : "L'organisation du festival fait vraiment bien les choses !"... car aujourd'hui il y a des funérailles au village. Tout commence de bonne heure avec des détonations puis beaucoup de musique. Le début de la cérémonie n'a rien de passionnant hormis la famille en blanc et quelques énormes couronnes de fleurs devant la porte de la défunte de 76 ans (nous l'apprendrons plus tard). De toute façon j'ai du boulot sur le mur collectif et l'heure du lunch avance à grands pas.
En début d'après-midi une pluie diluvienne tombe durant quelques heures que je mets à profit pour dessiner et découper un complément de feux d'artifices pour le panda. La pluie cessant la cérémonie reprend et je ne peux résister à la tentation d'y assister, comme une bonne partie des habitants du village rassemblés le long de la route détrempée. Un artificier en éclaireur ponctue de pétards crépitants les allers et retours en boucle d'une procession ouverte par un orchestre composé d'un trombone, d'une trompette, de deux orgues à bouche et de plusieurs tambours. Suit la famille avec des coiffes blanches, pointes en avant pour les femmes et en arrière pour les hommes. Des sur-pantalons blancs complètent la tenue.
Des
brassards sont distribués à l'ouverture de la
cérémonie. Un homme en début de cortège
porte un arbrisseau. Sur de courts mais trapus bâtons des
hommes marchent pliés, ce sont eux qui tirent le corbillard
orné d'un dragon. Viennent ensuite des participants de
diverses générations portant qui des oriflammes de
papier, qui des sortes de lanternes argentées. Les porteurs de
couronnes sont suivis par les pleureuses en fin de cortège. Un
chien est de la partie... Après trois ou quatre rotations
allant du porche de la maison à une table dressée de
nourriture le convoi s'ébranle en fanfare et pétarade.
Le cortège s'arrête très souvent. L'ambiance est
festive mais ce n'est tout de même pas la franche rigolade, ça
peut se comprendre...
A la sortie de ce village de montagne ça commence à grimper sérieusement. Des costauds viennent aider les tireurs que je retrouverai prosternés lors de la suite de l'ascension qui s'effectue par des porteurs dans un raidillon aussi sévère que glissant, le tout en musique et déflagrations... Le cadre est exceptionnel avec le relief à l'horizon magiquement éclairé par la lumière rasante d'un soleil déclinant, le ciel est d'un bleu lavé par la pluie !
Photo : Marc Baufrère |
Inscription à :
Articles (Atom)